Oecuménisme et Droit aux sacrements dans l’Eglise Syriaque Orthodoxe d’Antioche

L’église syriaque orthodoxe célèbre les sept sacrements : le Baptême, le saint Myron, l’Eucharistie, la Réconciliation, le Mariage, le Sacerdoce et l’Onction des malades. Comme pour la majorité des églises orientales, les trois premiers sacrements dits sacrements de l’initiation, sont donnés ensemble au catéchumène au moment de son baptême, qu’il soit enfant ou adulte.

Il est évident que les sept sacrements ne se trouvent pas comme tels dans le Nouveau Testament. Ils sont le produit d’une élaboration théologique à travers une histoire qu’il importe de ne pas négliger. En effet, chaque sacrement a une sa propre évolution historique qui est plus ou moins compliquée. Mais, même si la délimitation du nombre des sacrements à sept est historiquement assez tardive (XIIe siècle), et que cette délimitation nous provient de l’Occident latin, il est certain que les syriaques, comme d’ailleurs les autres chrétiens orientaux, ont célébré ces rites dès les premiers siècles du christianisme.

Ceci prouve que les querelles théologiques, notamment christologiques surgies au Ve siècle, qui ont abouti au schisme chalcédonien (451 ap. J.-C.), n’ont pas empêché les influences théologiques réciproques entre Occident et Orient. A titre d’exemple, le célèbre auteur syriaque orthodoxe Denys l’Aréopagite ou Pseudo-Denys (fin 5e siècle) est l’une des principales sources théologiques du grand scolastique latin Thomas d’Aquin; et paraillement, notre grand auteur médiéval Barhebraeus n’a pas hésité à emprunter au concile de Chalcédoine des canons disciplinaires concernant l’organisation de la vie monastique et des diocèses, en dépit de son refus des définitions théologiques de ce concile. Un peu plus tard, au XVe siècle, nous voyons le patriarche syriaque envoyer un délégué au concile latin de Florence (1442). L’adoption du septénaire (7 sacrements) par les syriaques relève donc de ces échanges théologiques entre Occident latin et Orient syrien.

La question que nous voulons exposer ci-dessous n’est pas historique mais d’actualité. Elle concerne le droit d’accès aux sacrements dans notre église syriaque orthodoxe. Que pense aujourd’hui notre église de la validité des sacrements des autres églises ? Donne-t-elle les sacrements à des fidèles d’autres églises chrétiennes ? Si oui, lesquels ? Permet-elle, d’autre part, à ses fidèles de recevoir les sacrements dans une autre église ? Si oui, lesquels ?

Pour répondre à ces questions, nous disposons de plusieurs sources qui traitent du sujet. Dans un premier temps, nous examinerons les introductions aux rituels des sacrements dans lesquelles nous trouvons des règles choisies dans des anciens nomocanons et qui restent en vigueur aujourd’hui, tout en nous référant au besoin, à la constitution amendée par le Saint Synode réuni à Damas du 3 au 7 Septembre 1991. Dans un second temps, nous parcourrons les accords théologiques bilatéraux signés avec les chefs d’églises chrétiennes sœurs, mais uniquement dans le cadre de notre problématique : le droit d’accès aux sacrements.

I – Introductions aux rituels

Baptême et Myron :

Relevons pour commencer quelques règles concernant le Baptême et le Saint Myron :

 » 19 – Est accepté le baptême des chalcédoniens c’est-à-dire des grecs melkites, des latins et des communautés qui suivent l’église de Rome. (Rituel du baptême p.12)

20 – Ceux qui vivent en Amérique, où nous n’avons pas ni église ni prêtre, et sont baptisés par des prêtres latins, s’ils n’ont pas reçu encore le sacrement du Myron, car leur loi est de donner à leurs baptisés ce sacrement vers l’âge de 10 ans, lorsque notre prêtre se présente, il les signe par le Myron, récite les prières du rituel et les fait communier aux sacrements. (p.12).

21- S’il arrive que ceux qui vivent en Amérique soient baptisés par un prêtre des communautés dites épiscopales et protestantes, lorsqu’un prêtre orthodoxe de chez nous se présente, qu’il les baptise de nouveau comme les non-baptisés, car ces communautés sont vides du sacerdoce légitime et n’ont pas le saint Myron. (p.12) « 

L’Église Syriaque Orthodoxe reconnaît les baptêmes des chalcédoniens : c’est-à-dire des orthodoxes byzantins (grecs, russes, serbes, roumains etc.) et des catholiques rattachés à Rome. Par contre, elle ne reconnaît pas le baptême des communautés protestantes car ces communautés sont dépourvues du sacerdoce légitime qui est une condition nécessaire à la validité du baptême.

Vue l’importance du baptême et sa nécessité pour le salut, il existe des lois pour les cas extrêmes (urgences et dangers de mort), où le prêtre peut réciter un rituel abrégé, ou uniquement le deuxième service du rituel habituel. Il est même autorisé, dans de tels cas, à baptiser son fils. Il peut aussi baptiser même s’il n’est pas à jeun. Les règles permettent aussi au prêtre de se passer du baptistère (cuve ou fleuve). Il se contente alors de verser de l’eau sur la tête de l’enfant et de dire :  » N. est baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit « , même si c’est la mère de l’enfant qui le porte. Finalement, en l’absence d’un prêtre, le diacre évangélique, lui aussi, peut baptiser.

Nous remarquons que dans toutes ces règles, c’est toujours le ministre légitimement ordonné qui procède au baptême et jamais un laïc, d’où le refus du baptême protestant. A cela s’ajoute le fait que la signification de ce sacrement n’est pas la même pour les chrétiens des églises apostoliques (orthodoxes et catholiques) que pour un grand nombre de protestants, notamment ceux qui ne pratiquent pas le baptême des enfants.

Ceci dit, arrêtons-nous une minute sur la question du parrain. Il est écrit dans le rituel du baptême :

«  5 – Chaque baptisé doit avoir un parrain orthodoxe … (p.9)

8 – Le parrain et la marraine doivent, selon leur capacité, enseigner le garçon ou la fille baptisés (e), la crainte de Dieu et les bonnes conduites de la vertu, en paroles et en actions. (p.9) « 

Selon le rôle du parrain (ou la marraine) décrit aux n° 5 et 8, nous comprenons que le parrain doit être un chrétien dont la foi est droite (orthodoxe). Pour savoir qui, aux yeux de l’église syriaque, a une foi droite, il faut se référer aux dialogues théologiques avec les autres églises car les positions à l’égard des autres églises changent avec le temps. Par exemple, les chalcédoniens qui au Ve siècle étaient considérés comme hétérodoxes, nous voyons qu’aujourd’hui, grâce au dialogue œcuménique, ils sont reconnus comme ayant une foi orthodoxe en christologie. Ce qui a permis à l’Église syriaque orthodoxe de signer avec les grecs orthodoxes d’Antioche un accord théologique (voir plus loin) dans lequel on permet aux fidèles de chaque église d’avoir un parrain (une marraine) de l’autre église. Il n’y a aucun inconvénient pour que cela s’applique aussi à tous les autres orthodoxes byzantins et aux catholiques, sauf que rien d’officiel n’a été signé en ce sens.

Mariage :

Le sacrement du mariage est défini dans l’église syriaque orthodoxe comme étant un lien légal d’alliance entre un homme et une femme syriaques orthodoxes.

Le rituel du mariage (n° 10) rappelle aussi que  » les fiançailles et la bénédiction (sous-entendu des anneaux) ne sont célébrées que pour deux personnes chrétiennes, croyantes, et orthodoxes c’est-à-dire, de foi droite « . Donc, il est impératif que les deux candidats au mariage soient baptisés.

Il est possible de conclure le mariage si l’un des deux membres est chrétien, non syriaque orthodoxe. (art. 148, constitution).  » Si la fiancée est chrétienne et non fille de notre orthodoxie, elle sera bénie par l’autorisation de l’évêque ou de son vicaire, en suivant son mari quant à la foi « . (rituel du mariage p.12).

Pour ce qui est des témoins, il est dit dans la Constitution que le mariage est accompli avec la bénédiction du prêtre et la présence de témoins chrétiens fidèles. (art. 147 de la Constitution) ; et dans le rituel du mariage : «  4- Les deux témoins qui sont présents aux fiançailles … doivent être croyants, craignant- Dieu …  » (Rituel du mariage, p.10)

Dans le mariage, il n’est pas exigé que les témoins soient orthodoxes mais uniquement chrétiens, contrairement au baptême où l’orthodoxie de la foi du parrain comptait, vue le rôle qu’elle joue dans l’éducation de l’enfant.

Eucharistie :

Dans les livres des anaphores à l’usage des prêtres, nous ne trouvons pas des règles concernant le don de l’eucharistie aux autres chrétiens, comme nous en avons trouvé pour le baptême ou le mariage. En effet, l’eucharistie est le sacrement de la communion au corps du Christ. Le corps du Christ unit à lui ceux qui le prennent. Les pères de l’église nous apprennent que ceux qui mangent le corps du Christ deviennent ce qu’ils mangent, à savoir un seul corps, celui du Christ. D’où l’eucharistie est considérée comme la plus haute manifestation de l’unité de l’église qui se rassemble en un seul corps. L’eucharistie ne peut être donc donnée qu’à ceux qui sont en communion avec l’église.

C’est pourquoi, les pères en leur temps, refusaient la communion aux hérétiques. Mais il existe des nuances entre leurs positions. Barhebraeus dans son livre des  » Directions  » ou  » Directives », relève quelques unes de ces positions:

«  Eustathe : Les hérétiques qui viennent chez nous, qu’ils soient saints ou malades, autant que possible, il ne faut leur donner l’eucharistie. Et si cela est impossible, elle leur sera accordée pour un moment, mais il faut les instruire pour qu’ils demeurent chez nous. (op. cit., p. 25-26)

Jacques d’Edesse : Il n’est pas permis à un prêtre orthodoxe de distribuer aux hérétiques la communion (de leur propre eucharistie), même s’ils le lui demandent cela, à savoir, en l’absence de leur prêtre. (id. p.26)

Georges : Le prêtre ou le diacre qui donne l’eucharistie à des hérétiques, sera déposé. (id.)

Athanase : Il n’est pas permis que l’on boive au calice signé par un hérétique. Il ne faut pas non plus l’insulter mais le conserver dans un endroit vénérable. (id.) « 

Nous remarquons que malgré l’interdit de communion avec les hérétiques, il y a un respect pour leurs sacrements, et pour Eustathe, pratiquer l’hospitalité eucharistique est possible, dans certains pour un temps limité et dans le but de les gagner à l’église orthodoxe.

Il est évident que ces règles ne sont que des directives et le saint synode de l’église syriaque a considéré le livre de Barhebraeus comme une source d’inspiration (et non un code) pour le droit dans notre église. Et ceci est parfaitement compréhensible. Notre langage d’aujourd’hui a considérablement évolué. Nous n’utilisons plus le terme d’hérétiques en parlant des autres frères chrétiens!). A cela s’ajoute le fait que les données théologiques ont-elles aussi changé : les énormes pas qui ont été faits au XXe siècle sur le champ de l’œcuménisme, ont permis la réouverture de l’eucharistie avec certaines églises chrétiennes. C’est le sujet de la partie suivante.

II- Les accords bilatéraux

Dans cette deuxième partie, nous n’allons pas procéder à partir des sacrements mais à partir des familles d’églises. Par contre, nous décrirons l’état actuel des discussions œcuméniques avec ces différentes églises en s’arrêtant sur la question des sacrements.

A- Relations avec les églises non-chalcédoniennes ou orientales anciennes

L’église syriaque orthodoxe est en pleine communion avec les autres églises orientales orthodoxes appelées aussi les églises non-chalcédoniennes : les églises copte, arménienne et éthiopienne. Depuis 1965, le patriarche d’Antioche et le Pape d’Alexandrie sont mentionnés dans les diptyques des deux églises syriaque orthodoxe et copte orthodoxe. L’église syriaque orthodoxe accueille et participe régulièrement à la concélébration de la divine liturgie avec les églises copte et arménienne.

Cette pleine communion donne le droit aux fidèles de chacune des églises mentionnées, en l’absence du ministre de leur propre église, de recevoir tous les sacrements dans les autres églises.

B- Relations avec l’Eglise assyrienne de l’Orient

Le dialogue avec l’Eglise Assyrienne de l’Orient est plus récent qu’avec les autres familles d’églises. Les dialogues syriaques patronnés par la fondation Pro Oriente en Juin 1994, Février 1996 (Vienne), et Juillet 1997 (Chicago) entre les églises de tradition syriaque, ont préparé le chemin pour des discussions théologiques entre l’église syriaque orthodoxe et l’église assyrienne de l’Orient. Dans la réunion de 1997, il a été annoncé que les patriarches Ignatius Zakka I et Dinkha IV étaient d’accord de créer une commission bilatérale pour explorer les voies de rapprochement entre leurs deux églises.

En plus, le patriarche Mar Dinkha IV a annoncé que le synode le l’église assyrienne d’Orient a décidé de supprimer de leurs livres liturgiques les anathèmes et les condamnations contre des figures telles que Cyrille d’Alexandrie et Sévère d’Antioche, et de lancer un programme pour parvenir à la pleine union des deux églises.

Le 2 Mars 1998, les deux patriarches se sont réunis au monastère de St Maroun à Annaya, Liban, et ont fait encore plus de progrès dans le dialogue entre les deux églises. Cependant la progression du dialogue est devenue plus difficile quand la réunion des églises orientales orthodoxes un peu plus tard pendant ce mois même, convenue par e Patriarche copte orthodoxe, le Pape Shenouda III, a décidé que toutes les églises orientales orthodoxies devraient agir ensemble dans un dialogue théologique et qu’elles ne devaient pas s’engager séparément dans des discussions bilatérales. Cette décision a entravé l’avancée du dialogue avec l’Église Assyrienne de l’Orient.

La question des sacrements a été débattu lors des dialogues patronnés par Pro Oriente. L’église assyrienne ne possède pas le sacrement du mariage et de l’onction des malades. Elle pratique, par contre, le sacrement de la Sainte Croix et du saint Levain (malka). Des rapprochements significatifs ont été senti lors des discussions de Pro Oriente, mais il demeure que toute décision d’engagement avec l’église assyrienne doit se faire désormais en l’accord des autres anciennes églises orientales.

C- Relations avec les églises Orthodoxes chalcédoniennes

Des dialogues théologiques ont été entamé avec l’ensemble de l’Orthodoxie byzantine et ont abouti à des accords doctrinaux non officiels. Ces accords doctrinaux conclus dans les consultations non officielles ont été réaffirmés en 1990 (3ème réunion), et il a été recommandé que chaque côté lève les anathèmes et les condamnations advenus dans le passé contre l’autre côté. La 4ème réunion de 1993 a discuté de la manière de mettre cela en pratique, et la proposition à laquelle on était parvenu, est que les condamnations et les anathèmes doivent être levés unanimement et simultanément par tous les chefs des Eglises des deux côtés en signant un Acte ecclésiastique approprié, dans lequel sera incluse la reconnaissance de chaque côté que l’autre est orthodoxe avec tous les respects. Au regard des participants, une fois les anathèmes levés, ceci implique que la restauration de la pleine communion des deux côtés est immédiatement implémentée.

Malheureusement, après l’arrivée à ce stade avancé dans les négociations entre théologiens, quelques églises orthodoxes se sont rétractées et ne reconnaissent plus les accords auxquels ont abouti les dialogues non-officiels. ’église syriaque orthodoxe a regretté cette régression d’autant plus qu’un avenir promettant se dessinait à l’horizon. Les syriaques souhaitent parvenir à une entente avec tous les orthodoxes byzantins comme il a été fait avec les grecs orthodoxes d’Antioche dans le fameux accord du 12 novembre 1991. En quoi consiste cet accord ?

Sur le fond du dialogue théologique et la découverte de la foi commune des deux églises grecs et syriaques, les deux patriarches Ignace Zakka Ier (syriaque orthodoxe) et Ignace IV Hazim (grec orthodoxe) ont décidé, pour l’édification de leurs fidèles, d’entreprendre plusieurs mesures d’ordre disciplinaire qui témoignent néanmoins du grand rapprochement entre leurs églises respectives. Voici quelques extraits de l’accord :

 » 3. Les deux Eglises s’abstiendront d’accepter l’adhésion d’un fidèle d’une Eglise à l’autre, quelles que soient les motivations ou les raisons.

5. Chaque Eglise restera la référence et l’autorité pour son fidèle, pour tout ce qui se rapporte aux questions de statut personnel (le mariage, le divorce, l’adoption, etc.)

6. Si deux évêques des deux Eglises participent à un baptême saint ou à des funérailles, celui appartient à l’Eglise du baptisé ou du décédé présidera. En cas d’un service du saint mariage, l’évêque de l’Eglise du jeune marié présidera.

7. Ce qui est mentionné au-dessus n’est pas applicable à la concélébration dans la divine liturgie.

9. Dans les régions où il y a seulement un prêtre, de l’une ou l’autre église, il célébrera des services pour le fidèle des deux Eglises, y compris la divine Liturgie, les devoirs pastoraux, et le mariage saint. Il gardera un registre indépendant pour chaque Eglise et le transmettra aux autorités de l’Eglise soeur.

12. Les ordinations dans les ordres saints sont exécutées par les autorités de chaque Eglise pour ses propres membres. Il est conseillé d’inviter les fidèles de l’Eglise sœur pour y assister. 13. Les parrains, les marraines (dans le baptême) et les témoins dans le mariage saint peuvent être choisis des membres de l’Eglise sœur « .

Nous remarquons d’après les articles de l’accord qu’il existe une unité de foi puisque le parrain et la marraine du baptême peuvent appartenir à l’église sœur. Les différences qui subsistent sont purement d’ordre organisationnel. Elles permettent de conserver la particularité de chaque église. L’interdit de la concélébration montre que la pleine communion ne peut être établie qu’en attendant les efforts des autres églises orthodoxes byzantines. On n’a pas voulu que cet accord soit la cause d’une rupture de communion entre grecs orthodoxes d’Antioche et les autres orthodoxes byzantins, ce qui a failli arriver au lendemain de cet accord.

Ce qui fait la force de cet accord, c’est qu’il est fondé sur une union de foi quasi-totale. Les deux patriarches, avec une hardiesse louable, signent un accord pour des raisons pastorales (l’édification des fidèles), certes, mais aussi sur des bases de convictions théologiques profondes. Avec l’église catholique romaine, nous allons le voir, c’est l’urgence pastorale qui prime sur les divergences théologiques.

D- Relations avec l’Eglise Catholique Romaine

Avec l’ouverture de l’église catholique au mouvement œcuménique au Concile Vatican II, des dialogues bilatéraux non-officiels ont été ouverts avec la plupart des églises chrétiennes, parmi lesquelles l’église syriaque orthodoxe.

Le fruit de ce dialogue apparaîtra d’abord dans la visite du patriarche syriaque Yakoup III à Rome où il rencontra le pape Paul VI en octobre 1971. A l’issue de leur rencontre, le pape et le patriarche affirmèrent par une déclaration commune leur foi commune en Jésus-Christ. Cette première rencontre fut suivie par une autre encore plus importante, le 21 juin 1984 entre le patriarche syriaque Zakka Ier et le pape Jean-Paul II. La déclaration commune qui fut signée fut d’une grande audace. En voici quelques extraits concernant les sacrements :

«  8. Expression majeure de l’unité chrétienne entre les fidèles et entre les pasteurs, l’Eucharistie ne peut pas encore être concélébrée par nous. Une telle célébration suppose une complète identité de foi qui n’existe pas encore entre nous. En effet, certaines questions doivent encore trouver leur solution, qui touchent à la volonté du Seigneur sur son Église, comme aussi aux implications doctrinales et canoniques particulières des traditions propres à nos communautés trop longtemps séparées.

9. Cette identité de foi, quoique incomplète, nous autorise à envisager une collaboration pastorale dans les situations qui se présentent fréquemment de nos jours en raison tant de la dispersion de nos fidèles à travers le monde que des conditions pastorales précaires que créent les difficultés des temps. Il n’est pas rare en effet que, pour nos fidèles, l’accès à un prêtre de leur Église s’avère matériellement ou moralement impossible. Soucieux de répondre à leurs nécessités et en vue de leur utilité spirituelle, nous les autorisons dans ce cas à demander aux pasteurs légitimes de l’autre Église le secours des sacrements de pénitence, d’eucharistie et d’onction des malades, selon leurs besoins. Coopérer aussi dans la formation des prêtres et dans l’enseignement théologique serait un corollaire logique de la collaboration pastorale. Nous encourageons les évêques à promouvoir la mise en commun des moyens à leur disposition pour l’éducation théologique partout où ils jugeront que c’est souhaitable. Ce faisant, nous n’oublions pas que nous devons encore faire tout ce qui est en notre pouvoir pour arriver à la pleine communion visible entre l’Église catholique et l’Église syrienne d’Antioche et implorer sans cesse du Seigneur qu’il nous rende cette unité qui seule nous permettra de donner devant le monde un témoignage pleinement unanime à l’Évangile « .

Très clairement, la déclaration commune témoigne d’une grande audace comme nous l’avons déjà dit. L’origine de cette déclaration est, comme il a été rappelé, est d’un côté la foi christologique et sacramentelle commune (n°5), et la nécessité de collaboration pastorale (n°9). A cela s’ajoute la communion spirituelle profonde entre le Pape et le Patriarche, entre les évêques, les prêtres et les fidèles de leurs Églises (n°2).

En cas de besoin, les fidèles de chaque église peuvent donc recevoir dans l’église sœur trois sacrements : pénitence, eucharistie et onction des malades. Ceci était déjà pratiqué chez les catholiques parce que leur code canonique le leur permettait selon le canon 844.

Il faut souligner aussi l’optimisme avec lequel le document est écrit : les chefs des deux églises s’engagent à poursuivre le travail nécessaire pour parvenir à la pleine communion. Les conséquences de cette déclaration ont été très positives : rappelons que l’accord avec les grecs orthodoxes d’Antioche qui va dans le sens de cette déclaration, a été signé en 1991, à savoir sept ans après cette rencontre de Jean-Paul II et de Zakka Ier. Par ailleurs, cet accord a permis à la commission théologique commune de l’Eglise catholique et de l’église syrienne orthodoxe de Malankara de rédiger un accord sur les mariages mixtes (entre les deux églises en question), connu aujourd’hui sous le nom de l’accord de Kerala. Cet accord solution a été approuvé par le pape Jean-Paul II et les patriarche Zakka Ier et délivrée le 25 Janvier 1994.

Cet accord sur les mariages mixtes a été préparé en tenant compte des éléments suivants de la Déclaration Commune du Pape Jean-Paul II et du patriarche syriaque orthodoxe d’Antioche Zakka Ier Iwas :

«  La profession commune de foi entre le Pape et le Patriarche sur le mystère du Verbe Incarné; L’affirmation commune de leur foi dans le mystère de l’Eglise et les sacrements; La possibilité donnée par la déclaration pour une collaboration pastorale y compris l’admission mutuelle du fidèle appartenant à l’une des deux églises à la réception des sacrements de pénitence, l’Eucharistie et l’onction du malade pour un besoin spirituel grave « .

Après cette introduction et un rappel du sens théologique du mariage chrétien, le document fournit les directives suivantes :

«  Nos deux églises désirent encourager des mariages dans la même communion ecclésiale et considèrent ceci comme étant la norme. Cependant, nous devons accepter la réalité pastorale que ces mariages mixtes ont lieu. Quand de telles occasions se présentent, les deux églises doivent faciliter la célébration du sacrement de mariage dans l’une ou l’autre l’église, donnant le droit et la liberté au mariée/jeune marié de garder sa propre communion ecclésiale, en fournissant l’information et les documents nécessaires. A l’occasion de ces célébrations, il est permis au couple de même qu’à leurs membres de famille appartenant à ces deux églises de participer à la sainte Eucharistie dans l’église où le sacrement de mariage est célébré « .

En fin de compte, il est clair pour le lecteur, que l’Église Syriaque Orthodoxe est une église pleinement engagée dans le dialogue œcuménique, prend des initiatives et n’hésite pas à élaborer et à signer des accords théologiques malgré le poids historique des problèmes théologiques en question. Cependant, jamais l’église syriaque orthodoxe n’oubliera le sang que ses Pères ont versé dans les diverses persécutions qu’ils ont subies à cause de leur foi. Mais aujourd’hui en assumant ses responsabilités, et pleinement consciente de sa mission, l’église syriaque signe avec courage de tels accords théologiques pour justement rendre hommage au courage que ses martyrs ont manifesté dans leur combat pour la foi orthodoxe. Et en même temps, notre église attend avec beaucoup d’espoir que les autres églises sœurs aient le même courage de dire Non aux divisions et Non au prosélytisme, car celui qui nous réunit est lui-même Un et indivisible : notre Seigneur Jésus-Christ.

Notes de pages :

Rituel du Baptême et du Mariage, collationné sur les copies anciennes par S.S. Ephrem Ier Barsoum patriarche d’Antioche, 1950

Les canons cités dans l’introduction des rituels sont tirés essentiellement du livre des Directions de Bar Hebraeus (+1286), (édité en syriaque par Bar Hebraeus Verlag, Holland 1986) et adaptés au contexte actuel. Le livre est connu par les chercheurs sous le nom de  » Nomocanon de Barhebraeus », alors que l’auteur ne parle que de  » directives « …

Publiée dans le  » Journal Patriarcal  » de l’église syriaque orthodoxe d’Antioche, Octobre-Décembre 2001. On pourrait la consulter aussi en anglais sur Internet (http://www.soc-wus.org/ourchurch/constitutioneng.html ). Il en existe aussi une version allemande :  » Statut der Syrisch-orthodoxen Kirche von Antiochien  » par le P. Dr Emanuel Aydin, Wien 1993

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